Arbitrage de Grief

 

entre

 

Association canadienne du contrôle du trafic aérien [CATCA],

l'Association ou le syndicat

 

et

 

NAV Canada,

l'employeur

 

Grief: Claire Gingras [suspension disciplinaire]

 

Arbitre: Me André Rousseau, ll.d.

 

Procureurs:

Me Sean T. McGee, pour l'Association

Me Mary J. Gleason, pour l'employeur

 

L'audience eut lieu à Dorval, le 24 janvier 2000.

 

SENTENCE ARBITRALE

 

NATURE DU GRIEF

Par grief du 18 septembre 1998, le syndicat a contesté une suspension disciplinaire d'une durée de cinq (5) jours, imposée par lettre du 3 septembre 1998.

Alléguant que la sanction et les motifs allégués portaient atteinte à sa réputation et lui causaient préjudice, la plaignante, Claire Gingras, a réclamé l'annulation de la suspension, le remboursement du salaire perdu, ainsi que des excuses écrites de l'employeur, quant au traitement injuste qu'elle aurait subi; enfin le grief a requis l'annulation de l'obligation de présenter un certificat médical lors de chaque absence-maladie.

 

RÉSUMÉ DE LA PREUVE

Il y a lieu de faire état de l'avis de sanction, daté du 3 septembre 1998 et versé en preuve sous cote S-3:

"...

Madame,

Cette lettre est pour confirmer ce que nous avons discuté lors de l'entrevue tenue le 14 juillet 1998.

Vous étiez accompagnée à ce moment de votre représentant syndical.

Lors de cette entrevue vous avez admis que vous vous êtes rapportée malade le 3 juillet, et ce sans raison légitime.

Nav Canada considère l'abus de congé de maladie comme une offense très sévère et un bris de confiance.

Pour cette raison vous aurez une suspension de cinq jours.

Votre demande de congé du 3 juillet vous est refusée et nous ferons une récupération de salaire pour cette journée.

De plus, pour les prochains six mois, vous êtes tenue de présenter un certificat médical chaque fois que vous ferez une demande de congé de maladie.

Bien à vous.

 

Gaétan Brochu

Gestionnaire

..."

 

Les parties ont convenu des admissions suivantes:

1.- La plaignante, Claire Gingras, a travaillé le quart de 11h45 à 20h30, heure locale, le 2 juillet 1998, et selon l'horaire établi, elle devait travailler, le lendemain, de 6h00 à 14h45;

2.- Vers 23h55, le 2 juillet 1998, Claire Gingras a appelé la tour de contrôle de Dorval, et elle a parlé à Mike Stubbs, contrôleur en formation, à ce moment-là;

3.- Il y a eu quelques échanges préliminaires, entre madame Gingras et M. Stubbs, échanges suite auxquels la plaignante demanda si la tour de contrôle était toujours en condition de "overstaff", pour le lendemain matin; quand M. Stubbs répondit qu'il n'était plus en condition de "overstaff", la plaignante répliqua:

"Ben, tabarouette, ben je vais être malade d'abord."

4.- Tout de suite après, les parties se sont saluées et ont raccroché.

L'employeur fit entendre Gaétan Brochu, gestionnaire de la tour de contrôle de Dorval, depuis février 1998; il relata succinctement sa carrière, depuis son embauche comme contrôleur, en janvier 1973.

Le témoin exposa l'organisation des quarts de travail et en particulier, la modalité selon laquelle les contrôleurs expriment leurs préférences quant aux jours où ils souhaitent être affectés au travail; un surveillant prépare la cédule, pour une période d'un (1) mois.

M. Brochu expliqua que le service nécessitait la présence d'un certain nombre de contrôleurs selon les diverses périodes de la journée; mais il arrive que le nombre de contrôleurs affectés au travail soit supérieur au nombre d'employés requis par les exigences du service ("overstaffing"),

Lorsqu'il y a un surplus de personnel affecté, il est possible d'allouer des congés ad hoc à ceux ou celles qui souhaitent s'en prévaloir, en particulier dans le cadre de la politique sur les congés annuels, qui fut versée en preuve sous cote E-2: il fut admis que Claire Gingras connaissait cette politique.

M. Brochu indiqua que, le lundi 6 juillet 1998, à l'examen de la cédule, il constata, à propos du 3 juillet précédent, qu'un (1) employé était affecté en surplus, qu'un (1) employé avait obtenu un congé ad hoc, que la plaignante s'était déclarée malade et qu'un (1) employé avait été requis en temps supplémentaire, pour assurer un effectif suffisant.

Après avoir examiné la cédule, le 6 juillet 1998, Gaétan Brochu demanda à Claire Gingras ce qui s'était passé, au cours de la nuit du 2 au 3 juillet; madame Gingras lui raconta qu'elle avait téléphoné au contrôleur de nuit, entre 0h30 et 1h00, pour savoir s'il y avait encore du personnel en surplus, pour le quart du jour; madame Gingras apprit, alors, qu'il n'y avait plus de personnel en surplus et elle avisa le contrôleur de nuit qu'elle serait en absence-maladie.

Le témoin déclara qu'il avait expliqué à la plaignante que les congés de maladie n'étaient pas un moyen de prendre un congé annuel ou une journée de congé, mais qu'ils étaient destinés à permettre à une personne malade de se soigner. Selon M. Brochu, madame Gingras changea de ton de voix, pour lui adresser la remarque suivante:

"Si ça me tente de «booker» malade pour jouer au golf, je vais me «booker» malade."

M. Brochu demanda alors à la plaignante de fournir un certificat de maladie, quant à son absence du 3 juillet 1998; madame Gingras répondit qu'il était en retard, pour demander un tel certificat et que l'affaire se règlerait "en Cour".

M. Brochu décida de poursuivre son enquête sur les évènements du 3 juillet 1998; il rencontra Mike Stubbs et Roger Durocher: c'est ce dernier qui avait obtenu un congé ad hoc, pour la journée du 3 juillet, en s'adressant à M. Stubbs vers 23h30, le 2 juillet; à ce moment-là, il apparaissait qu'il y aurait un surplus de personnel, le 3 juillet, et M. Stubbs alloua le congé ad hoc sollicité. M. Brochu souligna que l'octroi de ce congé n'avait pas été fait en conformité avec les modalités prévues à la politique versée en preuve sous cote E-2.

Compte tenu du congé alloué à M. Durocher, vers 23h30, le 2 juillet, il n'existait plus de surplus de personnel, lorsque Claire Gingras communiqua avec M. Stubbs, entre 0h30 et 1h00, le 3 juillet.

M. Brochu a indiqué qu'un avis de réprimande verbale avait été donné à M. Durocher, en raison du fait qu'il n'avait pas respecté la procédure établie, pour solliciter un congé ad hoc. Invité à expliquer pourquoi M. Durocher avait eu une réprimande, alors que la plaignante fut suspendue pour une période de cinq (5) jours, M. Brochu a souligné que M. Durocher avait admis tout de suite qu'il avait sollicité le congé trop tôt; par ailleurs, l'octroi de ce congé ne nécessitait pas de faire appel à un remplaçant en surtemps.

M. Brochu indiqua qu'il avait rencontré Claire Gingras, en compagnie d'un représentant syndical, le 14 juillet 1998, afin d'obtenir les explications de la plaignante; lors de cette rencontre, M. Brochu indiqua à madame Gingras qu'il se questionnait sur la validité de la demande de congé de maladie, suite à la demande d'un congé ad hoc.

Selon le témoin, la plaignante lui déclara qu'elle était dans son droit de solliciter le congé qu'elle souhaitait. Madame Gingras ne donna aucun détail quant à son état de santé, le 3 juillet 1998; mais elle déclara qu'elle était malade et qu'elle avait choisi de solliciter un congé annuel ad hoc, au lieu d'un congé de maladie.

M. Brochu ajouta qu'il avait rencontré madame Gingras à nouveau, le 3 septembre 1998, en présence d'un représentant syndical et de François LeBlanc, conseiller en relations de travail, auprès de l'employeur. Lors de cette rencontre, la plaignante indiqua qu'elle s'était déclarée malade et qu'elle n'avait pas consulté de médecin, avant son absence du 3 juillet 1998.

À la question de savoir si elle avait consulté un médecin, après s'être déclarée malade, Claire Gingras répondit qu'elle n'avait pas à répondre à une telle question; elle reconnut qu'elle n'avait pas obtenu de certificat médical et elle refusa de préciser la nature de sa maladie, lors de l'absence du 3 juillet 1998.

M. Brochu indiqua que la décision disciplinaire avait été prise par lui-même, en consultation avec M. LeBlanc et avec le service juridique de l'entreprise. Selon M. Brochu, la plaignante avait abusé, de façon flagrante, du régime de congé de maladie, en sollicitant d'abord un congé annuel -qu'elle ne put obtenir- puis en se déclarant malade; le témoin souligna qu'il avait fallu remplacer madame Gingras, ce qui occasionna des coûts importants de temps supplémentaire.

En contre-interrogatoire, le témoin déclara qu'il avait parlé à madame Gingras, le 6 juillet 1998, à l'occasion d'une discussion informelle, sans aucune intention disciplinaire et pour savoir ce qui s'était passé, le 3 juillet.

M. Brochu a reconnu que, lors de l'entretien du 6 juillet 1998, Claire Gingras avait raconté qu'elle avait d'abord demandé un congé annuel, puis un congé de maladie, lors de son appel à M. Stubbs. Le témoin a admis qu'il déclara à la plaignante qu'on n'avait pas le droit de solliciter un congé annuel et de se mettre en congé de maladie, par la suite.

À la question de savoir si les employés cherchent à garder leur banque de congés de maladie, M. Brochu répondit:

"Je n'ai jamais vu un contrôleur prendre un congé annuel pour une absence-maladie."

M. Brochu ajouta qu'il n'avait jamais eu à céduler des congés ad hoc.

M. Brochu a dit qu'en septembre 1998, Claire Gingras lui fit part d'un problème d'arythmie cardiaque. Lors de la rencontre de juillet 1998, elle déclara qu'elle avait été malade, le 3 juillet et qu'elle avait requis un congé annuel, lors de son appel.

Le témoin a dit s'être informé sur la question du droit d'exiger un certificat médical, après une absence-maladie; il indiqua que la plaignante avait raison et qu'un certificat ne pouvait être exigé.

Le syndicat fit entendre Claire Gingras, contrôleur du trafic aérien, depuis 1974.

La plaignante déclara qu'au printemps 1998, elle avait consulté son médecin, car elle ressentait de la fatigue, des étourdissements occasionnels et des palpitations cardiaques; ces symptômes étaient encore présents, sporadiquement, en juillet 1998; le médecin consulté fit administrer divers tests et référa madame Gingras à un cardiologue.

Claire Gingras a dit qu'elle éprouvait de tels symptômes surtout lorsqu'elle était au repos et qu'elle en était incommodée dans son sommeil, malgré le recours à une méthode de relaxation. C'est en septembre 1998 qu'elle consulta un cardiologue et qu'elle commença à prendre de la médication; sur avis du médecin de l'entreprise, elle cessa le travail, à la fin de septembre 1998, pour le reprendre en avril 1999.

La plaignante a dit qu'elle ne se rappelait pas particulièrement de son état de santé, pendant son quart de travail du 2 juillet 1998; mais en soirée, elle eut des palpitations et elle n'arrivait pas à dormir: comme de telles crises de palpitations duraient de quatre (4) à cinq (5) heures, lorsqu'elle en éprouvait, elle comprit qu'elle ne dormirait guère et qu'elle ne serait pas en état d'assumer le quart de travail du lendemain, à compter de 6h00.

Madame Gingras expliqua les raisons de sa demande d'avoir un congé ad hoc, lorsqu'elle s'adressa au contrôleur de nuit:

"J'ai toujours préféré utiliser des congés annuels, car les congés de maladie sont cumulatifs et vont à une banque, alors que les congés annuels -s'ils ne sont pas pris- on nous les cédule, même si on n'a pas envie de les prendre."

À propos de la conversation qu'elle eut avec Gaétan Brochu, le 6 juillet 1998, Claire Gingras déclara que le gestionnaire allégua qu'il y avait fraude, du fait qu'elle avait requis un congé annuel et qu'elle n'était pas malade; c'est alors qu'elle déclara à M. Brochu:

"Je ne dis pas, si je demande un congé de maladie et que tu me voyais au golf le même jour."

À ce stade, il fut admis que la plaignante n'avait aucun dossier disciplinaire, quant à la période prévue à la convention, avant l'imposition de la sanction sous étude.

En contre-interrogatoire, la plaignante a indiqué qu'elle connaissait la politique sur les congés, et en particulier le fait qu'un contrôleur ne pouvait obtenir un congé ad hoc que s'il y avait un surplus de personnel; c'est en étant consciente de cette exigence qu'elle demanda à Mike Stubbs s'il y avait "overstaff".

Madame Gingras a dit être bien d'accord qu'il serait incorrect de réclamer un congé de maladie sans être malade.

La plaignante a reconnu que la convention collective prévoit le report des congés annuels, mais elle ajouta:

"Mais c'est autre chose, avec l'employeur."

À la question de savoir si, dans le passé, elle avait éprouvé des problèmes, pour la prise des congés annuels, ou si des journées de vacances avaient été cédulés, d'autorité, par l'employeur, la plaignante répondit que vers la fin de l'année fiscale, le surveillant Bob Carlson exerçait des pressions pour que les congés soient pris, à défaut de quoi ils seraient cédulés.

Madame Gingras reconnut que M. Carlson prépare les cédules de vacances et qu'il fait pression sur tous les contrôleurs, en fin d'année fiscale, pour que les congés ad hoc soient cédulés. La plaignante ajouta qu'elle avait présenté un grief, à cause de ce type de pression, et qu'elle eut gain de cause, en ce qu'on ne peut la forcer à prendre ses vacances.

La plaignante a identifié, sous cote E-3, ses cédules de travail de 1996, 1997 et 1998; le crédit de congés annuels, exprimé en heures, apparaît sur les cédules; le crédit total est alloué au début de l'année fiscale, en avril, et le solde disponible apparaît, en regard de chaque mois de l'année fiscale.

Selon le document E-3, Claire Gingras avait épuisé son crédit de congés annuels de 1996, entre avril et octobre 1996; il en fut de même, en 1997.

 

ARGUMENTATION PATRONALE

La procureure de l'employeur a soumis que la principale question en litige était de déterminer si la plaignante était malade, lorsqu'elle sollicita un congé, le 3 juillet 1998: à l'encontre des déclarations de la plaignante sur son état de santé, un ensemble de circonstances inviterait à conclure que cette dernière voulait obtenir un congé ad hoc et qu'elle se déclara malade, afin de se prévaloir d'un congé.

La procureure patronale a rappelé qu'à l'époque pertinente, la plaignante n'avait fourni aucune précision quant à la maladie alléguée, et qu'elle n'avait pas présenté de certificat médical. La procureure de l'entreprise a mis en lumière que la plaignante avait cherché à expliquer sa demande d'un congé annuel par le fait qu'il lui était difficile d'obtenir de tels congés, ou pour éviter que la prise des congés ne lui soit imposée, en fin d'année fiscale: les cédules de 1996 et 1997, sous cote E-3, indiqueraient plutôt que la plaignante épuisait son crédit de congés au cours des sept (7) premiers mois de l'année fiscale.

Rappelant les propos de la plaignante, lorsqu'elle parla à M. Stubbs, la procureure patronale a souligné que la plaignante n'avait pas allégué qu'elle était malade; apprenant qu'il n'y avait pas de surplus de personnel et comprenant qu'elle ne pouvait obtenir un congé ad hoc, la plaignante aurait annoncé qu'elle serait malade.

Selon la procureure de l'employeur, les propos de la plaignante, le 6 juillet 1998, donneraient également à entendre qu'elle se croyait en droit de se déclarer malade à sa guise, si elle avait envie d'aller jouer au golf: le témoignage du gestionnaire, sur ce point, ne laisserait place à aucune ambiguïté.

Alléguant que la plaignante avait cherché, de façon malhonnête, à profiter du régime de congés de maladie, la procureure patronale a plaidé que la jurisprudence arbitrale apparentait souvent à la faude une telle utilisation abusive des congés de maladie (1) .

 

ARGUMENTATION SYNDICALE

Le procureur de l'Association a mis en lumière, tout d'abord, que le débat n'était pas relatif à la question de savoir si la plaignante avait démontré, de façon prépondérante, qu'elle était malade, le 3 juillet 1998: la question en litige aurait trait à l'allégation de fraude, imputée à la plaignante.

Rappelant la clause 9.03 de la convention, le procureur syndical a fait valoir que la plaignante n'avait pas d'obligation de présenter un certificat médical, pour attester de sa maladie; or c'est au moment où le gestionnaire voulut imposer la présentation d'un certificat, le 6 juillet 1998, que la discussion changea de ton.

Commentant les décisions arbitrales invoquées par la procureure patronale, le procureur du syndicat a souligné qu'on y rencontrait plusieurs situations où un employé avait exercé des activités incompatibles avec l'état de santé qu'il alléguait; or, il n'y aurait rien de tel, dans le dossier sous étude.

Le procureur syndical a rappelé le témoignage de la plaignante, quant aux malaises qu'elle éprouvait, de temps à autre, à compter du printemps 1998; ces malaises nécessitèrent, à compter de l'automne 1998, des traitements plus suivis et un retrait du travail, pendant une longue période. Or aucune preuve n'aurait contredit la plaignante, à cet égard.

Le procureur de l'Association a souligné que la plaignante savait que les conversations avec les contôleurs sont enregistrées; elle ne cherchait pas à cacher quoi que ce soit, lorsqu'elle sollicita un congé annuel, ni en déclarant qu'elle devrait s'absenter en congé de maladie.

Alléguant que la direction avait voulu blâmer la plaignante pour le surtemps occasionné, le procureur du syndicat a rappelé que M. Durocher avait obtenu un congé sans s'être conformé à la procédure prévue. Le procureur a plaidé que l'allégation d'utilisation abusive d'un congé de maladie supposait la preuve que la plaignante n'était pas malade.

Selon le procureur de l'Association, la plaignante n'était pas tenue de donner des détails sur son état de santé et l'on ne saurait lui imputer une intention frauduleuse, du fait qu'elle se limita à se déclarer malade. Le procureur a conclu que l'employeur n'avait pas offert une preuve convaincante de la fraude alléguée.

Enfin, le procureur de l'Association a fait référence à une décision arbitrale dans laquelle une mesure de suspension fut réduite, alors que l'employé n'avait aucun dossier disciplinaire antérieur, comme en l'espèce (2) .

 

MOTIFS ET DÉCISION

Il y a lieu de faire état des clauses 9.02 et 9.03 de la convention collective:

"...

9.02 L'employé est admissible à un congé de maladie payé lorsqu'il est incapable de remplir ses fonctions à cause de maladie ou de blessures, pourvu

a) qu'il ait à son crédit la période de congé de maladie nécessaire,

et

qu'il prouve son état à l'employeur de la manière et au moment fixés par celui-ci.

9.03 À moins que l'employeur n'ait informé l'employé avant ou pendant la période où il est malade ou blessé qu'il exige un certificat d'un médecin qualifié ou d'un chiropraticien licencié, d'un dentiste, d'un chirurgien-dentiste ou d'un orthondontiste, une déclaration signée par l'employé portant qu'il était incapable d'exercer ses fonctions en raison de cette maladie ou blessure est considérée, lorsque remise à l'emploeyur, comme satisfaisant aux exigences de la clause 9.02b):

a) si la période de congé demandée ne dépasse pas cinq (5) jours,

et

b) si, au cours de l'exercice financier courant, l'employé n'a pas bénéficié de plus de dix (10) jours de congé de maladie pris uniquement sur la foi de déclarations signées par lui.

..."

La clause 9.02 édicte qu'un employé a droit à un congé de maladie lorsqu'il est incapable de remplir ses fonctions à cause de la maladie. La clause 9.03 détermine les modalités selon lesquelles l'employé peut être tenu de prouver son état.

Ainsi qu'en a témoigné le gestionnaire, M. Brochu, quand il a constaté qu'un employé avait été requis en surtemps, la journée du 3 juillet 1998, il a voulu savoir ce qui avait occasionné cette situation. M. Brochu a indiqué que ce n'était pas le congé alloué à M. Durocher qui avait entraîné des coûts de surtemps; pour le gestionnaire, c'est l'absence injustifiée de la plaignante qui obligea le service à faire appel à un remplaçant, en temps supplémentaire.

Si l'on fait abstraction de la question de savoir si madame Gingras était admisible à un congé de maladie, cette dernière s'est trouvée dans la même situation que son collègue, M. Durocher, en communiquant avec le contrôleur de nuit, pour savoir s'il y avait surplus de personnel; ni madame Gingras, ni M. Durocher n'ont attendu l'heure prévue à la politique sur les congés annuels pour solliciter un congé ad hoc.

Dans l'hypothèse où la plaignante était admissible à un congé de maladie, la cause véritable du recours au temps supplémentaire serait l'octroi prématuré d'un congé ad hoc à M. Durocher.

Il importe donc de déterminer si la plaignante était incapable de remplir ses fonctions, le 3 juillet 1998, et si elle avait, en conséquence, droit à un congé de maladie.

Ainsi que la procureure de l'emplyeur l'a plaidé, à juste titre, l'enjeu principal du débat est le choix entre les déclarations de la plaignante et les circonstances ayant entouré la prise du congé,

La difficulté de l'analyse de la preuve résulte, pour bonne part, de l'approche qu'a adoptée la plaignante et des propos qu'elle a tenus, les 3 et 6 juillet 1998.

En cherchant à obtenir un congé annuel, et sans allusion à son état de santé, puis en déclarant "..., ben, je vais être malade d'abord", madame Gingras a donné à croire, dès le départ, qu'elle se prévalait d'un congé de maladie, faute d'avoir pu obtenir un congé annuel ad hoc.

Les propos tenus par la plaignante, le 6 juillet 1998, ont donné lieu à une preuve contradictoire. Lorsque M. Brochu déclara à madame Gingras qu'elle ne pouvait utiliser un congé de maladie pour s'octroyer un congé et lorsqu'il a requis un certificat médical, a posteriori, la plaignante a réagi d'un ton plus vif, pour proclamer les droits qu'elle estimait avoir, en matière de congés de maladie:

- la plaignante s'objecta à fournir un certificat médical, soulignant, à juste titre, que l'employeur était en retard pour demander un tel certificat (3) ;

- la plaignante exprima l'avis qu'elle avait en quelque sorte, un droit strict de prendre un congé de maladie, même si c'était pour jouer au golf;

- la plaignante annonça que le débat se règlerait "en Cour".

Au lieu d'exprimer, simplement, qu'elle avait éprouvé certains malaises, la plaignante a pris le parti d'affirmer son droit à un congé, ainsi que son droit de solliciter un congé ad hoc, même pour une absence imputable à la maladie.

Les explications de la plaignante sur les motifs de sa préférence pour un congé annuel m'ont laissé perplexe; madame Gingras a allégué qu'il lui était difficile de céduler ses congés annuels et que l'employeur cédulait les congés d'autorité, en fin d'année fiscale; elle a reconnu que ses congés annuels n'avaient pas été cédulés d'autorité, comme les cédules de 1996 et 1997 l'illustrent fort bien.

Si, dès le début de juillet 1998, madame Gingras avait expliqué -comme elle l'a fait à l'audience- les malaises éprouvés au cours de la nuit du 2 au 3 juillet, au lieu d'invoquer la faculté de se déclarer malade à sa guise, elle n'aurait pas donné prise à l'impression qu'elle avait cherché à utiliser frauduleusement le régime de congés de maladie.

Je crois que la plaignante a témoigné avec honnêteté sur les symptônes qu'elle a éprouvés, et qu'ils justifiaient qu'elle ne se présente pas au travail, le 3 juillet 1998.

Il n'y a pas de preuve que la plaignante n'a pas consacré la journée du 3 juillet à se reposer, ni qu'elle ait exercé des activités incompatibles avec l'état qu'elle a allégué. Pour conclure à une utilisation abusive, ou frauduleuse, du régime de congés, il faudrait une preuve relativement convaincante, ainsi que l'a plaidé le procureur du syndicat.

Ce qui pouvait être retenu à l'encontre de madame Gingras, tout comme ce le fut, quant à M. Durocher, c'est de ne pas avoir respecté les exigences de la politique établie, lorsqu'elle chercha, dans un premier temps, à obtenir un congé ad hoc.

Pour ces motifs, il m'apparaît que l'employeur n'a pas démontré, de manière prépondérante et convaincante, que la plaignante a fait une utilisation frauduleuse du régime de congés de maladie.

Comme il y eut, toutefois, contravention à la politique relative aux congés annuels, une réprimande était justifiée et je substitue une telle sanction à la suspension imposée.

J'ordonne à l'employeur de rembourser à la plaignante le salaire perdu, à l'occasion de la suspension, sans intérêts, ni autre indemnité.

Sentence rendue à LAVAL, le 12 avril 2000

 

André Rousseau, ll.d.

 

 

1. Kraft-General Food et Travailleurs Unis de l'Alimentation et du Commerce, Me François Hamelin, 27 juillet 1993;

Syndicat national des employés de l'aluminium d'Arvida et Alcan Ltée, Me André Truchon, 3 mai 1994;

Syndicat international des travailleurs (euses) de la boulangerie, confiserie et du tabac et Aliments Humpty-Dumpty, Me Louis B. Courtemanche, 3 février 1995;

Société canadienne des postes et Syndicat des Postiers du Canada, Me Guy E. Dulude, c. r., 25 février 1992;

Re Kennedy House Youth Services Inc. and Ontario Publis Service Employees Union, 53 L.A.C. (4th) 54, M. G. Picher, 20 février 1996;

Re Kenroc Tools Corp. and United Steelworkers, 17 L.A.C. (4th) 416, M. G. Picher, 3 décembre 1990;

NAV Canada et CATCA, M. I. Chertkow, 30 novembre 1999.

2. NAV Canada et CATCA, 80 L.A.C.é (4th) 410, R, Brown, 12 mai 1999.

3. La clause 9.03 impose, en effet, qu'un certificat soit requis avant ou pendant la période de maladie.